Friday, July 15, 2011

Le CPQ rejette la plainte de M. Pierre Côté contre le journaliste, M. Gérald Fillion et la Société Radio-Canada.

COMITÉ DES PLAINTES ET DE L’ÉTHIQUE DE L’INFORMATION


DÉCISION
Numéro de dossier : D2010-12-050
Date : 2011-04-29



M. Pierre Côté
Plaignant

c.

M. Gérald Fillion, journaliste
M. Alain Saulnier, directeur général de l’information
La Société Radio-Canada
Mis en cause


PLAINTE
[1] M. Pierre Côté dénonce le fait que le journaliste, M. Gérald Fillion, de la Société Radio-Canada, ait été rémunéré pour animer « Le Gala du commerce Les Affaires–HEC Montréal » un gala du monde des affaires. M. Côté estime que le journaliste s’est placé en situation de conflit d’intérêts.

ANALYSE
Grief 1 : absence de devoir de réserve, conflit d’intérêts ou apparence de conflit d’intérêts

[2] Le plaignant reproche au journaliste Gérald Fillion de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en acceptant d’être rémunéré pour animer Le Gala du commerce Les Affaires–HEC Montréal, un événement-bénéfice qui a permis d’amasser 150 000 $ au profit de l’école des Hautes Études Commerciales. M. Côté estime que le mis en cause est allé à l’encontre du code de déontologie du Conseil de presse qui demande aux entreprises et aux journalistes d’éviter les conflits d’intérêts.

[3] Mme Martine Lanctôt, directrice du traitement des plaintes et Affaires générales de Radio-Canada, répond que les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada permettent à un journaliste d’accepter une invitation comme conférencier, panéliste ou animateur par un groupe extérieur et permettent également qu’il soit rétribué. Le journaliste doit cependant avoir obtenu l’autorisation de sa direction qui s’est assurée que l’invitation ne mettait pas l’animateur en situation de conflit d’intérêts. Mme Lanctôt confirme que M. Fillion a obtenu les autorisations nécessaires et que Radio-Canada a jugé que son travail d’animateur
respectait l’esprit des Normes sur les conflits d’intérêts. De plus, elle ajoute que M. Fillion a agi à titre de maître de cérémonie, lors de cette soirée, et n’a joué aucun rôle dans la campagne de souscription.

[4] Dans son guide de déontologie, en regard du conflit d’intérêts, le Conseil de presse mentionne que : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. » (DERP, p. 24) Le guide stipule également que les journalistes doivent s’imposer un devoir de réserve : « Afin de préserver leur crédibilité professionnelle, les journalistes sont tenus à un devoir de réserve quant à leur
implication personnelle dans diverses sphères d’activité sociales, politiques ou autres qui pourrait interférer avec leurs obligations de neutralité et d’indépendance. » (DERP, p. 25)

[5] M. Fillion a confirmé au Conseil que la rémunération pour sa participation au gala était d’ordre symbolique, et n’était donc pas de nature à pouvoir miner son impartialité. Ainsi, les membres ont jugé, à l’unanimité, que le journaliste ne s’était pas placé dans une situation où ses intérêts pécuniaires entraient en conflit avec l’intérêt du public à une information de qualité. Le grief pour conflit d’intérêts est rejeté.

[6] Quant au grief pour apparence de conflit d’intérêts, une majorité de membres (4/7) a jugé qu’il n’était pas fondé, invoquant qu’il était peu probable qu’il soit appelé, à titre de journaliste économique, à faire un reportage sur cet établissement d’enseignement. De plus, sa participation s’étant limitée à annoncer les gagnants de divers prix et à présenter des invités, la majorité a jugé qu’il n’avait pas compromis son indépendance idéologique.

[7] Au contraire, les membres dissidents (3/7), pour leur part, ont souligné que la crédibilité et l’indépendance du journaliste pouvaient, aux yeux du public, avoir été minées par sa participation à ce gala, estimant qu’en s’associant personnellement à cette cause, il semblait l’endosser. De l’avis des membres dissidents, le devoir de réserve que doivent s’imposer les journalistes, eu égard à leur participation à des activités en dehors du journalisme, les oblige à
faire preuve de prudence lorsqu’il s’associe à une organisation qu’ils pourraient être appelés à couvrir, ce qui est le cas selon eux des HEC.

COMMENTAIRE ÉTHIQUE
[8] Le comité, à l’unanimité, met cependant en garde les journalistes et les médias d’information contre les dérives potentielles que de telles pratiques, de plus en plus fréquentes, pourraient engendrer. Si la plainte a été rejetée, il n’en demeure pas moins qu’il s’agissait d’un cas qui se situait aux limites de ce qui saurait être toléré pour un journaliste.

[9] La plus grande garantie de la liberté de presse étant l’indépendance à l’égard de toute forme de pouvoir économique, politique ou institutionnel, il importe de prendre toutes les précautions et de faire preuve d’une extrême vigilance pour préserver l’intégrité et l’apparence d’intégrité des médias et des journalistes. La perte de confiance qui pourrait en résulter, advenant des excès à cet égard, serait préjudiciable autant aux médias d’information et aux journalistes qu’au public.

[10] Si certaines activités extérieures au journalisme semblent être tout à fait conformes à la mission sociale de défense de l’intérêt du public – tel que l’animation de débats ou de colloques, et de manière générale, toute activité visant le partage de connaissances –, il est nécessaire de préciser les conditions de participation à ces activités, afin que des balises claires soient établies.

[11] Le Conseil invite donc les médias d’information, les journalistes et le public à entamer une réflexion, autour de ces questions, de laquelle pourraient émerger des normes précises. D’ici là, les médias et les journalistes devraient faire preuve d’une grande prudence.

DÉCISION
[12] Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Pierre Côté contre le journaliste, M. Gérald Fillion et la Société Radio-Canada.

[13] Le Comité a rejeté, à l’unanimité, le grief pour conflit d’intérêts.

[14] Une majorité de quatre membres sur sept a rejeté le grief pour absence de devoir de réserve, et apparence de conflit d’intérêts.

[15] En outre, le Conseil a émis un commentaire éthique afin de préciser la portée du devoir de réserve et d’inciter les médias d’information, les journalistes et le public à réfléchir à cette question.

Guy Amyot, secrétaire général
Au nom de comité des plaintes et de l’éthique de l’information

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